Naissance de la préhistoire berbère - Artisanat marocain de Marrakech, tapis berbères, tables, fontaines, zellige

Quel étrange destin que celui du peuple berbère, dont l'histoire fut longtemps inexistante car totalement ignorée, et dont la préhistoire n'est apparue dans les livres d'histoire qu'au début du XXe siècle seulement.

Un destin inhabituel, pour un peuple inhabituel, qui fut l'un des premiers à établir une civilisation avancée en Afrique, contemporaine de l’Égypte antique. Les Berbères n'ont pas fait surgir de terre des monuments grandioses, ni palais ni sanctuaires religieux démesurés. Leur mode de vie nomade ne se prêtait guère à la construction d'édifices en dur, les incitant à privilégier les constructions légères facilement démontables et pratiques à transporter. Sans monuments célèbres ni conquérants prestigieux ni littérature pour vanter ses mérites, l'histoire des Berbères est passée inaperçue.

Il faudra attendre la présence française en Afrique du nord pour voir émerger du néant l'histoire du peuple berbère.

Lionel Balout (1907-1992) fut l'un des précurseurs de l'histoire des Berbères (1).

Ce préhistorien français se passionna pour la préhistoire du Maghreb, et y consacra de nombreux ouvrages de référence relatant ses nombreuses recherches.

Il fonda le périodique Libyca, un bulletin d’informations sur l'archéologie au Maghreb des années 50. Peu de temps avant, il venait de créer un laboratoire de préhistoire dans un local du Musée du Bardo à Alger.

Un mot sur ce Musée du Bardo, créé en 1930 à Alger. Il réunit de nombreuses collections retraçant l'évolution de l'Algérie depuis la préhistoire à nos jours.

Les périodes anciennes, la préhistoire, la période libyque liée aux invasions puniques, les périodes romaine et paléochrétienne, suivi de celles des Vandales et byzantine, couvrent une grande partie des collections du musée.

Il passera près de 30 années en Algérie, pays où il effectua principalement ses recherches archéologiques. Il fonda en 1955 le Centre de recherches préhistoriques, anthropologiques et historiques d'Alger.

Si ses recherches se sont concentrées, pour l'essentiel, sur l’Algérie et le Sahara, Lionel Balout travailla aussi sur des projets de recherches au Maroc. Il se pencha notamment sur le site archéologique du Jebel Irhoud, situé à une centaine de kilomètres à l'ouest de Marrakech.

Des ossements humains vieux de 90 000 à 190 000 ans, relevant de l'âge du Moustérien, ont été mis à jour sur ce site, et Lionel Balout fut le premier à rattacher ce site au Moustérien, dans les années 70.

Ce site archéologique marocain a bouleversé nos connaissances sur l'origine de Homo sapiens, l'homme anatomiquement moderne, comme expliqué sur le site du Ministère de la Culture du Maroc:.

Les datations effectuées sur des dents animales ont donné des âges variant entre 90.000 et 190.000 ans, chose qui ferait des hommes de jbel Irhoud les contemporains sinon les prédécesseurs des premiers Homo-sapiens sapiens du proche orient.
- Sites Préhistoriques, Jebel Irhoud, Site du Ministère de la Culture, Maroc.

On connaissait le rayonnement international de la cité de Marrakech, son architecture inspirée d'Al Andalus, la curiosité et l'intérêt que suscitent les Berbères et l'art hispano-mauresque, ou la légende vivante des tapis berbères en laine que sont les tapis Beni Ouarain. Mais Marrakech et ses environs seraient aussi un lieu remarquable sur un plan historique, étant ni plus ni moins que l'un des berceaux de l'homme moderne ...

Le site archéologique du Jebel Irhoud n'est pas le seul au Maroc à révéler une facette de l'origine de l'homme moderne. Le site archéologique de Taforalt, au nord-ouest du Maroc, a lui aussi identifié Les ancêtres des Berbères à l'origine de l'homme moderne.

Ighoud au Maroc, un village marocain situé à proximité du site archéologique du Jebel Irhoud

Cette nouvelle célébrité préhistorique de Marrakech est certes moins médiatisée, mais elle reflète l'importance des travaux de recherches archéologiques entrepris par les pères de l'archéologie au Maghreb dont fut Lionel Balout. Cet épisode moustérien a néanmoins fait l'objet d'un article publié dans le journal britannique The Guardian en 2007 (2).

Reprenant l'analyse de Tanya Smith du Max Planck Institute for Evolutionary Anthropology in Leipzig, l'auteur précise que les restes d'Hominidés datés de 160 000 ans, découverts au Jebel Irhoud, près de Marrakech, montrent un niveau de développement de l'espèce humaine antérieur à tout ce que l'on connaissait jusqu'à présent. Les plus anciens fossiles laissant apparaitre ce niveau de développement de l'espèce humaine remontaient à 20 000 ou 30 000 ans en Europe.

Cette découverte, initiée il y a un demi siècle par Lionel Balout, place le Maghreb berbère au cœur de l'anthropologie moderne. Née il y a à peine un siècle, la préhistoire berbère n'a pas tardé à révolutionner nos connaissances sur l'origine de l'homme.

Sources

1 - Lionel Balout (1907-1992), Georges Souville, Antiquités africaines, Année 1993, Volume 29, Numéro 1, pp. 13-15 ↑

1 - 160,000-year-old jawbone redefines origins of the species, Alok Jha, The Guardian, Tuesday 13 March 2007 ↑

Crédit photos

- Lionel Balout (1907-1992)

- Crâne d'Hominidé, Jebel Irhoud, Marrakech, Maroc